Interview de Pierre Hardy
- Brando Marcolini et David Pereira
- 21 déc. 2015
- 4 min de lecture

Le jeudi 18 décembre 2016, nous nous sommes rendus dans le 6 ème arrondissement de Paris au siège de la maison Pierre Hardy, dans le but de recueillir un témoignage du créateur de la marque, né à Paris en 1956 et reconnu pour ses créations de chaussures féminines aux formes architecturales, ainsi que pour ses sneakers pour hommes. Au cours d'une interview d'à peu près quarante cinq minutes, nous lui avons posé une vingtaine de questions.
Depuis quand existe votre entreprise ?
J’ai crée la maison Pierre Hardy il y a 16 ans, en octobre 1999.
Comment l’entreprise a évolué depuis sa création à nos jours ?
La maison Pierre Hardy a évolué de façon très organique. Au début, je me suis investi dans la création de cette marque seul, tant sur le plan physique que sur le plan financier. J’ai lancé une collection de 15 modèles qui a très bien marché. J’ai eu beaucoup de chance car faire évoluer une entreprise est très difficile à cause de la multitude et de la diversité des tâches.
Quel a été votre parcours dans le monde de la mode ?
J’ai commencé par faire des études d’arts plastiques, je ne savais pas du tout quel métier je voulais faire, je voulais juste dessiner, peindre, sculpter, bref faire ce qui me plaisait. A la demande de mes amis, j’ai fait des illustrations de mode avant de les faire paraître dans des magazines. Comme ces illustrations plaisaient, j’ai commencé à dessiner des collections. Parallèlement, j’ai été enseignant d’art jusqu’en 2011.
Que produit votre entreprise ?
Notre entreprise produit des chaussures, bien évidemment, et à plus faible échelle, des sacs, de la petite maroquinerie, des foulards, et des bijoux fantaisie.
Où produit votre entreprise ?
Mon entreprise produit les chaussures habillées en Italie, près de Milan ; les baskets au Portugal ; les chaussures d’été (sandales, etc.) en Espagne ; les sacs au Maroc ; et les foulards et bijoux également en Italie.
Qu’est ce qui fait d’une chaussure une chaussure de luxe ?
Selon moi, c’est la qualité des matériaux et la complexité des modèles qui font d’une chaussure une chaussure de luxe. Il faut savoir que la fabrication d’une chaussure de luxe requiert beaucoup de savoir-faire. La rareté et l’unicité sont aussi importantes, c’est ce qui donne envie à la clientèle, qui devient de plus en plus sélective.
Comment se démarquer des autres marques ?
Pour se démarquer, je pense qu’il faut créer de nouvelles formes à chaque saison et faire beaucoup de collections avec beaucoup d’innovation, de différences, d’originalité.
Pourquoi avez-vous décidé de créer votre propre marque ?
J’ai voulu changer pour être plus libre. J’avais trop de projets qui n’étaient pas appropriés à la marque pour laquelle je travaillais.
Dans quels pays se concentre votre exportation ?
Le marché est réparti à peu près dans le monde entier. 25% des ventes vont vers les USA, 25% en Russie et Europe de l'Est, 25% en Europe Occidentale et 25% en Asie.
Quels sont les avantages et les inconvénients de la production en France ?
La production en France est de très bonne qualité. Ce qui est problématique c’est que les entreprises qui restent produisent du bas de gamme. Je travaillais chez Harel, une entreprise qui produisait en France, mais il ne restait qu’une seule usine.
Pourquoi la plupart des entreprises de chaussures de luxe, y compris Pierre Hardy, ne produisent pas en France ?
Car la plupart des filières ont disparu.
D’où viennent les matières premières de votre production ?
Le cuir vient d’Italie ou de France (où il est par contre beaucoup plus cher).
Quel est le coût de production d’une paire de chaussure ?
Pour les escarpins, c’est entre 100 et 120 €
Quelle est le prix des vos chaussures ?
Elle vont de 300 à 1200 euros. Le prix moyen de nos chaussures est de 600/700€.
Combien de salariés avez-vous ?
Mon entreprise compte 25 employés au siège, sans compter ceux de mes boutiques à Paris, New York et dans quelques mois à Tokyo.
Combien de sous-traitants avez-vous ?
La production est répandue sur 7 usines, 4 en Italie (3 pour femmes, 1 pour homme), 1 en Espagne, 1 au Portugal et 1 au Maroc.
Selon vous, comment se porte l’industrie de la chaussure de luxe en 2015 ?
Pas si mal, mais cela dépend des marques. Il y a 15 ans, les marques de luxe se sont rendu compte qu’il était plus difficile de développer la vente du prêt à porter que la vente d’accessoires (chaussures, sacs) qui sont accessibles à une clientèle très diversifiée. A contrecoup, le prêt à porter se porte moins bien.
Et pour conclure, quelle est la place du made in France dans le monde de la chaussure de luxe ?
Cette place est, selon moi, réduite. La fabrication d’une chaussure est un mélange d’artisanat et de machines, or, en France, peu sont les artisanats restants. Si on produisait en France, ça ne serait pas énormément plus cher mais, je le répète, il n’y a plus ce savoir-faire. Cependant, il reste encore de très bonnes tanneries et il y a encore une bonne production de chaussures pour homme car la structure de ces chaussures est beaucoup moins complexe.
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